Premières émotions
Le Vendredi 18 Janvier 2013, l’équipe d’Haïti est sur le départ. Il est temps de vous la présenter : Ludovic Olivo, kinésithérapeute et ami d’enfance, Nicolas Tricoire coach / préparateur de Snowboard et ami, ainsi que mon oncle Jean-Pierre Roy, président de la fédération Haïtienne de Ski autrement connu en tant que Rasta Picket.
Tous ont fait le voyage et auto-financé cette aventure, pour Haïti.
Dès notre arrivée, nous commençons par un test de froid à l’air frais, et surprise la température semble supportable. J’apprendrai à mes dépends quelques jours plus tard, la rudeur potentielle du grand Québec, avec -40°C.
Lors de notre arrivée à l’hotel, qui accueillait tous les participants, nous sommes plongés dans les championnats du monde et constatons l’ampleur de l’organisation.
Le lendemain, je suis fier de faire flotter bien haut le drapeau Haïtien, qui se montre pour la première fois aux championnats du monde de Snowboard.
Cette superbe cérémonie d’ouverture, se termine par une finale de Big Air grandiose. L’installation était vraiment surprenante, en plein Québec, avec le Big Air entre deux bretelles d’autoroute.
Boardercross
Après quelques jours, nous sommes acclimatés et équipés des multiples couches vestimentaires pour supporter les températures, qui sont en chute libre.
Le boardercross est prêt, nous sommes le mardi 21 Janvier, et c’est déjà l’inspection de la piste.
Ma blessure à la côte commence à aller mieux, même si je ne me sens pas en pleine possession de mes moyens.
Pour contenir la douleur et tout maintenir en place, Ludo me strape la côte, et je remonte sur la planche pour la première fois depuis ma chute.
Sur place, le premier visuel est saisissant, je ne peux que constater l’immense niveau que représente une piste de championnats du monde.
Le jour suivant se déroule l’entrainement sur la piste. Je comprends désormais qu’il n’existe que deux choix, y aller à fond ce qui aurait été suicidaire à mon niveau, ou suffisamment doucement pour ne pas prendre de risque (sur certains passages, presque à l’arrêt).
Et puis vient l’heure pour moi d’essayer la piste, lorsqu’on me dit que c’est mon tour, j’hésite plusieurs secondes. Je me lance à tâtons, calcule très mal la vitesse adéquate, et me retrouve à rebondir sur les bosses. Après six bonnes chutes, je sors de la piste avec le sentiment de n’avoir rien pu faire.
Derniers préparatifs
Le matin de la course de qualification, Jeudi 24 Janvier, mon kiné me prépare un strap tout neuf pour me maintenir la côte. Après reflexion, je préfère ne pas participer aux courses d’entrainement, je vais gêner les autres concurrents, et de toute façon il est plus raisonnable de limiter les risques avant la course.
Ludovic et Nicolas s’occupent autant de m’aider à m’échauffer, qu’à me distraire.
Je regarde admirativement les coureurs s’élancer, et la pression ne cesse de monter (je suis le dernier participant).
Alors que je me positionne pour m’élancer, on m’indique que suite à une chute je ne partirais pas avant plusieurs minutes. C’est ce qu’on appelle faire durer le suspens. Cette fois c’est la bonne ! J’entends plusieurs encouragements de la part des autres équipes, ça fait chaud au coeur. Je lance une petite blague plus pour me rassurer que pour faire rire. Je dois faire de mon mieux pour trouver la bonne vitesse, ne manquer aucune porte et ne pas tomber. Seul objectif, terminer la course pour brandir le drapeau Haïtien à l’arrivée.
Je m’élance
Certes la performance n’est pas impressionante, mais le coeur y est. Je fais de mon mieux pour conserver le minimum de vitesse syndicale, je freine au dernier moment avant les bosses, et tente d’en récupérer le plus possible à chaque pente, roller, virage relevé.
Sur une des bosses, j’arrive avec si peu de vitesse que je suis obligé de sauter pour passer la montée. Mais la course n’est pas finie, j’arrive tout de même à obtenir quelques bonnes sensations sur la dernière ligne. L’objectif est presque atteint, ce n’est pas le moment d’embrasser la neige… plus que quelques mètres.
Lorsque je passe la ligne d’arrivée, je suis immergé d’émotion, soulagement, joie, et extrême fierté d’avoir réussi le pari pour Haïti. Je repars même pour un deuxième tour, en oubliant la douleur qui s’accentue sur ma côte, et gagne 3 secondes sur mon temps.
Arrivé 50 secondes après le meilleur mondial (1min53 contre 1min02), j’obtiens la plus BELLE dernière place parmi tout ceux qui ont terminé la course.
Je suis 60ème mondial sur 64 participants de ces championnats du monde.
La Finale !
Le dernier jour, Samedi 26 Janvier, ce sont les 48 meilleurs des qualifications qui s’élancent par salve de 6.
Le voilà l’esprit du snowboardercross, nous assistons à des courses intenses, avec du contact épaule contre épaule, planche contre planche.
L’équipe d’Haïti n’est pas qualifiée, mais notre coeur a aussi vibré pour les français, Tony Ramien, Polo Delerue et bien sûr Pierre Vaultier. De retour de blessure, Pierre nous aura fait rêver jusqu’au boût, jusqu’à la finale, jusqu’à la chute suite à une collision, alors qu’il est en deuxième position.
Il termine tout de même quatrième, au pied du podium, mais quel belle performance. À ce jeu là, l’Australien Alex Pullin a été le plus fort, des qualifications à la dernière course il a dominé ces championnats du monde.
C’est la fin …
La compétition se termine, avec le sentiment que l’objectif humain a été atteint. On a parlé d’Haïti, avec des encouragements, des sourires, et surtout de la fierté.
Les journalistes, ont l’air d’avoir apprécié la démarche, ce qui nous a valu quelques interviews (voir ici).
La découverte de ce milieu de haut niveau était fantastique. Je garde un souvenir très positif de l’ambiance, de l’esprit et des acteurs du snowboard. Je tiens à remercier tout ceux qui m’ont aidé dans ce projet, Thierry, Jean-Pierre, Nico, Ludo, Alexandre, Pierre, tous mes amis et ma famille qui m’ont soutenu pour ce projet.
Rassurez-vous, ce ne sont pas des adieux, l’Haïtien volant n’a pas donné son dernier mot. Car dès que ma côte est suffisamment rétablie, je vous donne rendez-vous pour une prochaine compétition, avec une envie folle de progresser.